• (Chapitre 18)

    [Dragon :]  Apichatpong Khomsiri ? ... Je suis allé dans la jungle et je l'ai tué.

    [Tann:] Où ?

    [Dragon :] 17.187371, 98.788269.

     

    Alors que je faisais mes recherches (en France), j'avais d'abord situé le point d'origines (très particulières) de Dragon dans la région de Mae Sariang que je ne connais guère (un seul séjour) mais qui m'avait impressionné, puis j'ai changé d'avis et je l'ai situé dans la région de Tak (que je ne connaissais pas du tout, aucun séjour). 

    Hier, j'ai décidé de mettre à l'épreuve ce choix. Une fois sorti du Lan Sang National Park (un peu avant midi), j'ai profité d'avoir la moto jusqu'à 18h00 (ne vous fiez pas à l'allure de Pépette, ça monte à plus de 100 ces cochonneries japonaises) et j'ai pris la route de Tak, puis la route de Ban Tak qui longe le Fleuve, route magnifique, et à Ban Tak j'ai pris la 1175 qui relie Ban Tak à Mae Ramat. Itinéraire Google maps : 75,9 km aller. 15 de moins pour ramener la moto.

     

    Circulez en moto en Thaïlande est un jeu d'enfant, la signalisation routière est exemplaire, les routes sont très bonnes. Le seul danger vient des bus des lignes régulières, les chauffeurs sont de véritables psychopathes (le nombre de morts sur les routes en Thaïlande avoisinerait 50 000 par an). Et il faut évidemment faire attention aux buffles d'eau, aux enfants qui traversent et aux chiens errants (je me suis fait mordre plusieurs fois, mais pas hier ; en même temps, les Thaïs leur foutent des coups de pied au passage). Les motos ont des réservoirs de 2L le plus souvent, mais ce sont de vrais chameaux et on trouve de l'essence partout (pompes ou bouteilles vendues par les familles qui commercent leurs légumes au bord des routes).

    Evidemment je me suis arrêté quelques fois pour faire des photos, mais toujours ce problème de brûlis, elles sont moches. Et je n'ai pas pu prendre en photo la plupart des animaux que j'ai vus : poules et coq retournés à l'état sauvage et qui volent, cigognes, hérons, grues,.. 

    Bienvenue dans une Thaïlande qu'aucun voyage organisé vous fera découvrir :

    On the road (

    Cochon de lait à cuire sur le bord de l'autoroute Mae-Sot -> Sukhothai (il y a une voie spéciale motos sur l'autoroute ; parfois prise à contresens !). Il est midi, j'ai faim, je tente une négociation partielle, mais la bête est à vendre en son entier. J'achète quelques fruits à la place ; ils sont délicieux.

    On the road (1175)

    Rizières (l'appareil photo efface les montagnes à l'horizon que l'oeil humain perçoit pourtant bien).

    On the road (1175)

    J'y suis, je ne pourrais jamais être plus proche (du moins à moto) de 17.187371, 98.788269.

    Et ça ne va pas, je suis déçu. Les montagnes sont majestueuses (ce qui ne se voit pas sur la photo), mais c'est trop sec, pas assez dense, il n'y a aucune liane, aucune fougère, aucun bananier sauvage, les arbres ne sont pas assez hauts (le fait que je me trouve en Thaïlande à la fin de la saison sèche ne change rien au problème). Il y avait des arbres de 50 (!) mètres de haut au Lan Sang, des bananiers sauvages, des lianes. Dragon ne peut pas venir d'un endroit pareil. La jungle est comme un sexe féminin, elle doit être moite, chaude, terriblement excitante et toujours garder un peu de mystère. Là, j'en suis loin, pas besoin de machette, je pourrais marcher huit kilomètres dans cette "savane" asiatique sans que rien ne freine vraiment ma progression...

    J'accuse un peu le coup... en sifflant ma bouteille d'eau (il fait 30°, facile) et en mangeant du pamplemousse... ici, ils font 3 kilos pièce et vous achetez des barquettes de quartiers que vous trempez si vous le voulez dans un mélange de sel et de piment (vendu avec, en sachets) - ce que je ne fais pas, j'ai pas vraiment le droit au sel.

    Ce n'est pas la perspective de réécrire ce que j'ai déjà écrit qui m'accable (dans ce cas-là autant changer tout de suite de métier), mais je n'en ai pas eu assez ce matin, pas assez de jungle, pas de vrai lieu de pouvoir. Il y avait des moustiques, des bêtes, de magnifiques papillons, mais tout ça était "apprivoisé". Manquait de sauvagerie.

    Il va me falloir aller à Mae Sariang, ce n'est pas une perspective désagréable, mais la route est éprouvante : 150 km de jungle qu'on parcourt en six heures minimum à partir de Mae Sot, dans un tuk-tuk collectif, autant dire la ruine des lombaires. Un taxi me coûterait sans doute trop cher. On verra à Mae Sot (la ville de La Cité des crânes - j'avais sans doute espéré éviter le "pèlerinage", mais c'est une ville trop puissante. Beaucoup trop puissante).

    Sur la route du retour, je vais saluer Bouddha...

    On the road (1175)

    On the road (1175)

    (Oui oui, il est gigantesque, et encore ce n'est pas le plus grand de Thaïlande, loin de là...)

  • Lever 6h00.

    Petit-déjeuner à 400 bahts (offert, heureusement) parce que si la soupe de nouilles est bonne (la meilleure que j'ai mangée depuis que je suis arrivé), le reste n'est pas fameux. Et pour le thé, du Lipton Yellow ! On mange dix fois mieux au petit marché d'à côté pour 25 bahts (vrai thé offert).

    Marche jusqu'à la station de bus (j'arrive en avance, mais mon bolide est prêt). Je suis tout content.

    Lang Sang National Park

     

    Pépette (la moto) et "Négociatrice en chef".

     

    Inspection de l'engin. Pneus lisses. Réservoir vide. Jauge d'essence cassée, compteur kilométrique cassé (à 23119km), compteur de vitesse cassé. Tout le reste fonctionne parfaitement. Youpi.

    J'inspecte la carte routière une dernière fois : autoroute de Mae Sot, kilomètre 16. Et c'est parti. J'arrive au parc à 8H20, paye l'entrée, gare la moto. J'ai le parc pour moi tout seul et ce sera comme ça jusqu'à mon départ. Le Shutdown commence à faire son effet ?

    Lang Sang National Park

    Lang Sang National Park

    La maison de mes rêves

    Lang Sang National Park

    Premier et dernier pont, par la suite faudra passer à gué.

    Lang Sang National Park

    Graffiti sur un bambou géant

    Lang Sang National Park

    Paysage intérieur

    Lang Sang National Park

    Paysage extérieur (les arbres du fond sont rouges, mais à cause des brûlis on ne le voit pas)

    Lang Sang National Park

    Arbre pétrifié vieux de 800 000 ans

    Lang Sang National Park

    Lieu de pouvoir, mais qui en a perdu beaucoup (je me comprends)

    Lang Sang National Park

    Strangulation

    Lang Sang National Park

    Photo prise au péril de ma vie (trois ! gués à traverser)

    Lang Sang National Park

    Plus de deux heures de marche pour arriver là (ça grimpe tout le temps), mais ça vaut le coup.

    Lang Sang National Park

    Bambous géants (voir photo suivante pour l'échelle)

    Lang Sang National Park

    "Squame" de bambou géant à côté de mon t-shirt (XL) mis à sécher.

    Lang Sang National Park


  •  

    [Dragon :] Apichatpong Khomsiri ? ... Je suis allé dans la jungle et je l'ai tué.


  • Vers 17h00, hier, je me suis mis en quête d'une moto à louer.

    Visite de trois magasins de motos (vendant le l'occaze) où tout le monde est prêt à m'en vendre une, mais où il n'y a aucune moto à louer (je tente diverses variantes du : "je vous en achète une ce soir, vous me la rachetez le lendemain à un prix convenu d'avance" qui ne donnent rien ; je transforme en euros le prix d'une moto pourrie et me dis qu'au pire je finirais le voyage avec avant de la filer à des mendiants). Le Takois (habitant de Tak - non, je déconne) est têtu. Mais, y'a plus têtu. Ne nous pressons pas trop. Sur une impulsion qui sur le coup me semble vaguement vouée à l'échec, je me rends à la gare routière (deux kilomètres à pied, ça use...) Là, assailli par les rabatteurs qui sont évidemment prêts à me trouver moyennant leur commission un hôtel, un "boum boum", une veuve docile à épouser, de la ganja ou que sais-je encore, je leur explique que rien de tout ça ne m'intéresse et que je veux juste louer une moto. J'aurais annoncé la mort du roi, ils auraient fait la même tête ou presque. Je les laisse discuter entre eux, de toute façon, il fait nuit, alors rentrer de nuit à 18h00 ou 18H10... Un homme approche et me dit que peut-être il connaît quelqu'un qui a un scooter et besoin d'argent. Voilà le Cousin Machin ! Je savais bien qu'il n'avait pas disparu. L'homme téléphone puis me salue comme un gladiateur en me disant "moment !" (là j'avoue alors avoir eu un terrible mouvement de recul). J'attends cinq minutes et voilà que débarque en scooter (pourri) un petit thaï maigre, moustachu, tout souriant qui ne parle pas un mot d'anglais. Une jeune femme (forte) rejoint le petit groupe qui s'est formée autour de moi et s'impose "négociatrice en chef" (très vite, nous ne sommes plus que quatre, celui qui a téléphoné, celui qui a amené le scooter, la femme et moi) ; elle parle trois mots d'anglais et google (sur son portable) est son meilleur ami. Une demi-heure plus tard, nous sommes d'accord, sur la période de location (8h00-18h00, aujourd'hui 27 janvier), sur le retour du véhicule réservoir plein alors qu'il sera livré réservoir vide et la somme forfaitaire de 50 bahts. Là tout le monde hurle de rire (sauf elle). Et elle reprend : 500 bahts. Affaire conclue. Ouf.

    Le rendez-vous est pris : 8h00, gare routière. 

    Sur le chemin de retour vers l'hôtel (deux kilomètres à pied...), je m'arrête devant la cantine de la mort qui tue, noire de monde, cent couverts au bas mot, quinze serveuses, trois cuistods, le tout sous un espèce d'hangar pour avion perpendiculaire à l'autoroute Chiang Mai - Bangkok (mon Dieu, qu'est-ce que ça sent bon ; je connais cette odeur : Pad Cha). Ni une ni deux, je m'assois à la seule table libre et je commande un Pad Cha "coquillages", des coques locales servies dans une sauce au basilic et aux haricots de soja fermenté. Normalement, y'a plein de piment, mais ils ne m'en ont pas mis parce que je suis farang. Tant pis, je mets celui qu'il y a sur la table, qui est un poil moins bon que du frais. Un délice. J'hésite à recommander une seconde assiette, mais non soyons raisonnable.

    Je finis la soirée en matant Only God Forgives. Quel film ! J'ai déjà envie de le revoir.

    Motorcycle Boy Rules

     

    Pêcheur local, photo prise en plein centre ville, sinon elle n'aurait guère d'intérêt.

    Motorcycle Boy Rules

    Coiffeur... 

    Motorcycle Boy Rules

    Pad Cha avant cuisson

    Motorcycle Boy Rules

    Pad Cha dans le Wok

     


  • Phitsanulok → Tak

    (La longue passerelle piétonnière de Tak, quasiment seule attraction de la ville.)

     

    Lever à 6h30 pour prendre le bus de 8H00 vers Tak.

    La matinée est glaciale (j'ai mis ma veste et rabattu la capuche).

    Je prends un tuk tuk vers le Bus Terminal 2 qui se trouve à 5 ou 6km du centre-ville.

    Dans une petite échoppe (j'en visite trois avant de faire mon choix), je prend une petite barquette de riz et de porc laqué pour mon petit-dèj' (30 baths - 75 cents d'euro).

    Le jarret de porc bouilli sent très bon, mais je n'ai pas le temps, dommage, le bus va partir dans cinq minutes.

    Le bus traverse la grande plaine centrale thaïlandaise vers l'ouest, passant par Sukothai où il se remplit de touristes (français, dans leur très grande majorité). Puis il longe le Sukothai Historical Park, très beau (je vais peut-être me le refaire ; c'est comme le Ta Phrom à Angkor, je ne m'en lasse pas). Deux jeunes Allemandes, bavardes comme des pies, s'assoient juste derrière moi.

    La végétation change peu à peu, à un moment nous longeons une jolie forêt tropicale "sèche". Le paysage commence à se vallonner, on quitte peu à peu la grande plaine à rizières.

    A Tak, je suis le seul touriste à descendre du bus. Je vais vite comprendre pourquoi... Pourtant coincée entre deux des plus beaux parc nationaux de Thaïlande (si on en croit les Thaïlandais), Tak n'est absolument pas taillé pour le tourisme : aucune guesthouse, aucun restaurant pour étrangers (ça, je m'en fous), aucun centre historique un peu vieillot. Soyons clair : la ville est assez moche, toute en longueur, séparée en deux par un très large fleuve.

    Marche de 2km (avec le sac à dos, j'ignorais la distance qui séparait la gare routière du premier hôtel), le long de l'autoroute Sukhothai/Mae Sot, puis le long du fleuve, jusqu'au premier hôtel (il y en a trois dans la ville, mais je ne le découvrirai que plus tard). Si vous êtes en Thaïlande et que vous ne trouvez pas de guesthouse, allez à l'hôtel, mais le plus minable possible, en sueur, couvert de poussière, demandez le prix de la chambre et simulez l'énorme déception du voyageur exténué et fauché qui n'a pas les moyens de s'offrir un tel palace, surtout qu"il aurait bien aimé rester trois nuits. Shutdown ou pas, si le taux de remplissage de l'hôtel est faible, ça marche à presque tous les coups, prix spécial (-20% du prix affiché) et petit-déjeuner offert. Bon là, j'en ai eu qu'un pour trois nuits, mais il est à 400 baths, ça fait presque 10 euros (pour la Thaïlande paumée, c'est plus qu'une chambre d'hôtel très correcte avec salle de bain, wi-fi, mini-bar). Ils servent des sushis, ou quoi ?

    Pour la jungle c'est pas gagné à partir de Tak : aucune excursion possible à partir de l'hôtel, même pas les trucs à la con : un peu de marche, un peu de radeau de bambou, visite de village tribal (où on planque les t-shirt Britney Spears pendant votre présence, en oubliant les faux caleçons Calvin Klein mis à sécher au bord de la rivière), promenade à dos d'éléphant. J'ai fait ça, j'ai donné il y a longtemps et je ne me suis pas juré mais presque qu'on ne m'y reprendrait plus. Moi, je veux trouver un vieux braconnier comme celui que j'avais rencontré à Luang Prabang qui m'amène dans la jungle et m'empêche de marcher sur un serpent mortel, ou le trip en moto qu'on s'était fait au Cambodge avec ma femme et mes deux fils dans la jungle du Bokor National Park.

    La fille de l'hôtel me dit qu'on ne peut pas louer de moto dans le coin ; j'ai dû mal à y croire, j'ai loué des motos dans des villages dix fois plus petits.

    Bon, ne nous décourageons pas. La ville est grande, je vais aller parler aux commerçants. Ils sont là pour commercer. A priori, on trouve toujours le cousin machin qui a besoin d'argent et peut se passer de son scooter pour une journée.

    Si le shutdown a éliminé tous les cousins machins et les braconniers secs comme une momie (et les a remplacés par des putes africaines), ce pays va devenir vachement moins intéressant.

    Phitsanulok → Tak