• Vers 17h00, hier, je me suis mis en quête d'une moto à louer.

    Visite de trois magasins de motos (vendant le l'occaze) où tout le monde est prêt à m'en vendre une, mais où il n'y a aucune moto à louer (je tente diverses variantes du : "je vous en achète une ce soir, vous me la rachetez le lendemain à un prix convenu d'avance" qui ne donnent rien ; je transforme en euros le prix d'une moto pourrie et me dis qu'au pire je finirais le voyage avec avant de la filer à des mendiants). Le Takois (habitant de Tak - non, je déconne) est têtu. Mais, y'a plus têtu. Ne nous pressons pas trop. Sur une impulsion qui sur le coup me semble vaguement vouée à l'échec, je me rends à la gare routière (deux kilomètres à pied, ça use...) Là, assailli par les rabatteurs qui sont évidemment prêts à me trouver moyennant leur commission un hôtel, un "boum boum", une veuve docile à épouser, de la ganja ou que sais-je encore, je leur explique que rien de tout ça ne m'intéresse et que je veux juste louer une moto. J'aurais annoncé la mort du roi, ils auraient fait la même tête ou presque. Je les laisse discuter entre eux, de toute façon, il fait nuit, alors rentrer de nuit à 18h00 ou 18H10... Un homme approche et me dit que peut-être il connaît quelqu'un qui a un scooter et besoin d'argent. Voilà le Cousin Machin ! Je savais bien qu'il n'avait pas disparu. L'homme téléphone puis me salue comme un gladiateur en me disant "moment !" (là j'avoue alors avoir eu un terrible mouvement de recul). J'attends cinq minutes et voilà que débarque en scooter (pourri) un petit thaï maigre, moustachu, tout souriant qui ne parle pas un mot d'anglais. Une jeune femme (forte) rejoint le petit groupe qui s'est formée autour de moi et s'impose "négociatrice en chef" (très vite, nous ne sommes plus que quatre, celui qui a téléphoné, celui qui a amené le scooter, la femme et moi) ; elle parle trois mots d'anglais et google (sur son portable) est son meilleur ami. Une demi-heure plus tard, nous sommes d'accord, sur la période de location (8h00-18h00, aujourd'hui 27 janvier), sur le retour du véhicule réservoir plein alors qu'il sera livré réservoir vide et la somme forfaitaire de 50 bahts. Là tout le monde hurle de rire (sauf elle). Et elle reprend : 500 bahts. Affaire conclue. Ouf.

    Le rendez-vous est pris : 8h00, gare routière. 

    Sur le chemin de retour vers l'hôtel (deux kilomètres à pied...), je m'arrête devant la cantine de la mort qui tue, noire de monde, cent couverts au bas mot, quinze serveuses, trois cuistods, le tout sous un espèce d'hangar pour avion perpendiculaire à l'autoroute Chiang Mai - Bangkok (mon Dieu, qu'est-ce que ça sent bon ; je connais cette odeur : Pad Cha). Ni une ni deux, je m'assois à la seule table libre et je commande un Pad Cha "coquillages", des coques locales servies dans une sauce au basilic et aux haricots de soja fermenté. Normalement, y'a plein de piment, mais ils ne m'en ont pas mis parce que je suis farang. Tant pis, je mets celui qu'il y a sur la table, qui est un poil moins bon que du frais. Un délice. J'hésite à recommander une seconde assiette, mais non soyons raisonnable.

    Je finis la soirée en matant Only God Forgives. Quel film ! J'ai déjà envie de le revoir.

    Motorcycle Boy Rules

     

    Pêcheur local, photo prise en plein centre ville, sinon elle n'aurait guère d'intérêt.

    Motorcycle Boy Rules

    Coiffeur... 

    Motorcycle Boy Rules

    Pad Cha avant cuisson

    Motorcycle Boy Rules

    Pad Cha dans le Wok

     


  • Phitsanulok → Tak

    (La longue passerelle piétonnière de Tak, quasiment seule attraction de la ville.)

     

    Lever à 6h30 pour prendre le bus de 8H00 vers Tak.

    La matinée est glaciale (j'ai mis ma veste et rabattu la capuche).

    Je prends un tuk tuk vers le Bus Terminal 2 qui se trouve à 5 ou 6km du centre-ville.

    Dans une petite échoppe (j'en visite trois avant de faire mon choix), je prend une petite barquette de riz et de porc laqué pour mon petit-dèj' (30 baths - 75 cents d'euro).

    Le jarret de porc bouilli sent très bon, mais je n'ai pas le temps, dommage, le bus va partir dans cinq minutes.

    Le bus traverse la grande plaine centrale thaïlandaise vers l'ouest, passant par Sukothai où il se remplit de touristes (français, dans leur très grande majorité). Puis il longe le Sukothai Historical Park, très beau (je vais peut-être me le refaire ; c'est comme le Ta Phrom à Angkor, je ne m'en lasse pas). Deux jeunes Allemandes, bavardes comme des pies, s'assoient juste derrière moi.

    La végétation change peu à peu, à un moment nous longeons une jolie forêt tropicale "sèche". Le paysage commence à se vallonner, on quitte peu à peu la grande plaine à rizières.

    A Tak, je suis le seul touriste à descendre du bus. Je vais vite comprendre pourquoi... Pourtant coincée entre deux des plus beaux parc nationaux de Thaïlande (si on en croit les Thaïlandais), Tak n'est absolument pas taillé pour le tourisme : aucune guesthouse, aucun restaurant pour étrangers (ça, je m'en fous), aucun centre historique un peu vieillot. Soyons clair : la ville est assez moche, toute en longueur, séparée en deux par un très large fleuve.

    Marche de 2km (avec le sac à dos, j'ignorais la distance qui séparait la gare routière du premier hôtel), le long de l'autoroute Sukhothai/Mae Sot, puis le long du fleuve, jusqu'au premier hôtel (il y en a trois dans la ville, mais je ne le découvrirai que plus tard). Si vous êtes en Thaïlande et que vous ne trouvez pas de guesthouse, allez à l'hôtel, mais le plus minable possible, en sueur, couvert de poussière, demandez le prix de la chambre et simulez l'énorme déception du voyageur exténué et fauché qui n'a pas les moyens de s'offrir un tel palace, surtout qu"il aurait bien aimé rester trois nuits. Shutdown ou pas, si le taux de remplissage de l'hôtel est faible, ça marche à presque tous les coups, prix spécial (-20% du prix affiché) et petit-déjeuner offert. Bon là, j'en ai eu qu'un pour trois nuits, mais il est à 400 baths, ça fait presque 10 euros (pour la Thaïlande paumée, c'est plus qu'une chambre d'hôtel très correcte avec salle de bain, wi-fi, mini-bar). Ils servent des sushis, ou quoi ?

    Pour la jungle c'est pas gagné à partir de Tak : aucune excursion possible à partir de l'hôtel, même pas les trucs à la con : un peu de marche, un peu de radeau de bambou, visite de village tribal (où on planque les t-shirt Britney Spears pendant votre présence, en oubliant les faux caleçons Calvin Klein mis à sécher au bord de la rivière), promenade à dos d'éléphant. J'ai fait ça, j'ai donné il y a longtemps et je ne me suis pas juré mais presque qu'on ne m'y reprendrait plus. Moi, je veux trouver un vieux braconnier comme celui que j'avais rencontré à Luang Prabang qui m'amène dans la jungle et m'empêche de marcher sur un serpent mortel, ou le trip en moto qu'on s'était fait au Cambodge avec ma femme et mes deux fils dans la jungle du Bokor National Park.

    La fille de l'hôtel me dit qu'on ne peut pas louer de moto dans le coin ; j'ai dû mal à y croire, j'ai loué des motos dans des villages dix fois plus petits.

    Bon, ne nous décourageons pas. La ville est grande, je vais aller parler aux commerçants. Ils sont là pour commercer. A priori, on trouve toujours le cousin machin qui a besoin d'argent et peut se passer de son scooter pour une journée.

    Si le shutdown a éliminé tous les cousins machins et les braconniers secs comme une momie (et les a remplacés par des putes africaines), ce pays va devenir vachement moins intéressant.

    Phitsanulok → Tak

     


  • (A cause des fumées de la culture sur brûlis toutes les photos sont moches, désolé.)

    Phitsanulok

    Une petite ville de province comme je les aime ; pas ou peu de touristes (j'en ai vu deux en tout et pour tout).

    Après avoir trouvé une guesthouse « very cheap » comme ils disent (mais impeccable, avec le wi-fi), longue ballade le long du fleuve.

    Phitsanulok

    Même sans vraiment sortir de la ville on peut observer de nombreux oiseaux exotiques, dont des sortes de piverts bleus absolument magnifiques. Il y a aussi plein d'écureuils (hors des villes, les enfants les chassent, les Thaïs les mangent, fumés ; mais là, ils sont peu farouches et bien nourris. On voit des cages pleines de fruits accrochés en hauteur dans certains arbres).

    Phitsanulok

     

    Phitsanulok

    On trouve plusieurs églises catholiques à Phitsanulok (un  aspect méconnu de la Thaïlande) ; ce qui m'intéresse assez parce que Tann le policier chargé de retrouver Dragon est issu d'une famille italo-Thaïe catholiques. 

    Après la ballade (je ne saurais jamais combien ça prend de "l"), je descends boire une bière dans un pub-bateaux du centre-ville, je suis le seul client et le resterai toute la soirée. Là, j'écris au bord du fleuve (trop dure la vie d'écrivain), jusqu'à ce que les moustiques me chassent.

    Phitsanulok

     

    Phitsanulok

    J'intègre dans le texte ce que j'ai vu à Bangkok, et j'arrête chapitre 18 (tout est dans le désordre et le restera, mais j'ai numéroté les chapitres par ordre chronologique – ça facilitera mon travail de correction ; pour une raison que je n'expliquerai pas ici la numérotation de certains chapitres est problématique). Le chapitre 18 est au-dessus de mes forces aujourd'hui... j'y reviendrai. Il faudra bien.

    Phitsanulok

    La soirée est fraîche ; c'est aussi l'hiver en Thaïlande (et dans le nord, il fait parfois 3 ou 4° le matin).

    Dîner au Ban Mai, sans doute le meilleur restaurant de la ville (ça ne veut pas dire qu'il soit cher pour autant), dur à trouver, excentré, aucune enseigne en caractères romains. Curry rouge de canard fumé (sur la carte, ils disent que ce n'est pas « épicé », ah ah ah, y'a des grappes de poivre vert et du piment en lamelles dans la sauce au lait de coco, mais à part ça ce n'est pas du tout épicé). Explication : quand les thaïs vous disent « attention c'est épicé », il y a 99% de chances que vous ne puissiez pas le manger... et n'essayez pas ; je me souviens de ma femme, cambodgienne (le pays d'à côté), qui mettrait du piment dans le café si ça avait un sens et en met à peu près partout ailleurs, commandant une papaya salade à Bangkok et la mangeant en suant, reniflant et pleurant. Avant d'être malade comme un chien, comme il se doit.

    Ce curry de canard fumé est un plat que je n'ai jamais vu ailleurs qu'à Phitsanulok. Le plat et les légumes sont délicieux (l'Asie du sud-est est le seul endroit où je mange des légumes). Je tente « vous auriez du vin ? ». Non non, pas de vin. J'aurais bien bu un verre de rouge. (Je pourrais en acheter une bouteille, mais payer 25 euros une mauvaise bouteille de vin, c'est contre ma religion viticole et puis mon budget est quand même serré).

    Aller au restaurant en Thaïlande (pas dans un petit restaurant comme on en trouve à tous les coins de rue, mais dans un vrai beau restaurant avec un grand parking ombragé et des jeux pour les enfants) est un truc particulier, vous pouvez venir avec votre vin, votre whisky. Si vous avez une bouteille d'eau dans le sac, personne ne grognera si vous la finissez...

    C'est toujours un spectacle amusant à observer. Les repas sont principalement familiaux, à 8, 10 ou parfois 20. Ou sentimentaux, et là le monsieur a pour « mission » d'en mettre plein la vue à son accompagnatrice. On arrive bien habillé, bijoux en or obligatoires, la bouteille de whisky (du cher, du Johnny Walker) sous le bras. On commande de la nourriture, beaucoup (disons pour 4 quand on est 2), et on boit, on boit tout en papotant (le whisky est noyé sous une quantité assez impressionnante de glaçons et d'eau gazeuse). Et après, beurré comme un coing, on remonte dans son énorme 4x4, en espérant « conclure ». Comme le dit si bien une des conquêtes de Bukowski « boire ou baiser, il faut choisir » (ce à quoi Buk répond invariablement « je ne veux pas choisir. »). Le repas me coûte l'équivalent de 6 euros (taxes et services compris) et le spectacle du couple d'à côté est trop mignon – ils ont tout les deux la quarantaine, tant pis pour le cliché du vieux riche avec sa jeunette (on en voit moins, j'ai l'impression ; et c'était surtout frappant à Bangkok où les couples mixtes étaient jeune+jeune). Je ne sais pas si ces gens sont mariés, divorcés de leur côté, célibataires, tout ce que je peux dire c'est qu'il fait le job dans les clous (mon dieu, il a une gourmette en or), mais comme partout ailleurs, les Thaïs divorcent de plus en plus et pour les femmes c'est une immense honte et souvent de terribles difficultés dans la vie de tous les jours.

    (Minute statistique : les Thaïs sont parmi les plus gros consommateurs d'alcool au monde, devant les Français.)

    A 20h00, faute de clients, tous les bars de la ville ont fermé. Place centrale, un mini-shutdown est en cours, retransmission d'un discours sur écran géant, des jeunes (encore des t-shirt Che Guevara, ce qui est assez cocasse sur des gens qui vénèrent leur roi et sont souvent croyants et pratiquants) m'invitent à boire une bière avec eux, mais je décline poliment.

    Dans ma lecture du soir, je lis « L'humanité est si dure, mais le désert est si beau. » Entièrement d'accord avec toi, Nnedi.


  • Bangkok → Phitsanulok

    Lever 6H30 pour prendre l'express de Chiang Mai de 8H30 (les touristes prennent le train de nuit) ; attention, il n'a d'express que le nom.

    Petit-déjeuner à la gare. Une soupe de nouilles. Vraiment mauvaise, fade avec plein de céleri. Pas réussi à la finir.

    Le train sort de Bangkok en une heure environ, en roulant au pas.

    J'aime prendre le train, mais particulièrement en Thaïlande, c'est un bon moyen pour discuter avec les Thaïs, c'est long et lent, ils ont toujours des quantités incroyables de bouffe avec eux.

    Dans cet express, il n'y a pas de 3e classe, le wagon où on se retrouve avec paysans, chèvres et poulets. Dommage, c'est toujours très drôle d'essayer d'acheter un billet de 3e classe ; d'habitude le farang n'y arrive pas... Ce genre de wagons donne une très mauvaise image du pays doivent penser les autorités. A moins que la troisième classe n'existe plus, au nom du progrès...

    Dire que l'express est vétuste est un euphémisme, il klaxonne à tout bout de champ pour signaler son passage.

    11h00 – Les premières collines de Thaïlande apparaissent ; hérons sur le bord de la voie ferrée, dans les rizières. Impossible de faire des photos, ciel voilé, vitre dégueue.

    11h30 – énorme Bouddha doré à flanc de colline (20 mètres de haut environ).

    11h35 – autre énorme Bouddha à flanc de colline. Peint en blanc, casque de cheveux noirs.

    12h00 – Les trains thaïs c'est comme dans les avions A380 d'Emirates, ils vous servent à boire et à manger (compris dans le prix du billet). Good timing, j'étais mort de faim. Cela dit, Emirates, c'est meilleur...

    12h07 – Épouvantails dans les champs, d'un genre particulier : une aile de héron tranchée attachée à un haut bâton (2m). Si vous êtes défenseur de la cause animale, évitez l'Asie du sud-est...

    12h10 – la végétation change, la brousse asiatique et ses petits arbustes font place à quelques forêts. Beaucoup d'eau dans ce coin de Thaïlande : rizières, champs de lotus, maisons sur pilotis. Hors rizières, la culture sur brûlis est de mise, l'air est saturé de fumée.

    Arrêt à Phitsanulok à 13h40 (avec seulement vingt minute de retard, malgré le Shutdown) – une petite ville (a priori sans charme, ravagée par un immense incendie en 1957). Un patelin que je connais bien, c'est là que j'ai écrit La Voie du sabre (version roman) cloué une dizaine de jours dans un lit par ma première hernie discale. De cette ville, part entre autres la route pour Sukhothai et Tak. Je garde un bon souvenir de mon séjour à Sukhothai. Je ne me suis jamais arrêté à Tak (j'y suis cependant passé cinq ou six fois).

    (La région de Tak est pour le moment la région d'origine de Dragon, c'est ce que j'ai repéré en fouinant sur internet, mais j'avais été aussi très impressionné par la jungle dense du côté de Mae Sariang, sur la route de Mae Hong Son...)

    Bangkok → Phitsanulok


  • Plus je vieillis, plus mon empathie augmente, alors que j'ai toujours pensé que la vie vous poussait dans le sens inverse, qu'on devenait blasé, blindé, caparaçonné (tiens, j'ai toujours bien aimé ce mot pour dyslexiques). On n'a aucune prise sur ces choses, alors pourquoi s'en faire... Non ? Mais rien à faire, Babylone me noue le ventre... C'est peut-être un effet de la paternité...

    « J'ai vu des horreurs » nous murmure le Colonel Kurtz. Que ce soit en amont du fleuve, dans l'école-prison-musée du génocide khmer rouge, aux Killing Fields, il y eut des horreurs (et je m'y suis frotté). Dans Downtown Bangkok, en « zone touristique » donc, il y en a aussi. Beaucoup. C'est une certitude que nous occidentaux avons tendance à oublier. En tout cas, j'avais oublié les détails...

    (Le diable est dans les détails.)

    La nuit à Bangkok est un freakshow (en une seconde vous pouvez passer du rire à la nausée, de l'émerveillement à une profonde inquiétude) : homme amputé des pieds qui, tel un ver, allongé face contre terre avance sur le trottoir en poussant devant lui une gamelle pour chien dans laquelle personne ne met d'argent (ce que je peux comprendre), une femme avec son bébé qui mendie, tu donnes 20 bahts, et cinq mètres plus loin une autre femme avec son bébé mendie, un enfant seul de 4 ou 5 ans qui dort sur une simple feuille de carton (mais putain, comment est-ce possible ?), d'énormes rats dans les tas d'ordure à 100 mètres à peine des luxueux centres commerciaux (aucune poubelle dans les rues de Bangkok), une femme avec ses deux bébés qui mendie, des familles européennes qui baladent leurs gamins sur Sukkhumvith au milieu des vendeurs de sextoys, des kathoeys (transexuelles aux look parfois extravagant), des putes africaines en grand nombre (ça c'est nouveau, organisé, et c'est sans doute assez mauvais signe).

    Forcément je me dis : jamais quand j'ai emmené Judicaël et Akira à Phnom Penh, j'ai fait un truc pareil. L'idée d'expliquer à mon fils de huit ans curieux de tout ce qu'est ce truc oblong et rose, long de 40cm qui très certainement ne permet pas de jouer au baseball, c'est pas vraiment l'idée que je me fais de vacances en famille.

    Nana (BTS) : une naine en porte-jarretelles et bustier vous invite à boire un verre dans son bar à hôtesses (désert, mais techno à donf'). Il ne manque qu'un singe jouant de l'orgue de barbarie, ou presque. Et évidemment la litanie à destination du marcheur solitaire : « massage ! », « boom boom », « I love you », « I will take care of you » « me love you long time ». Et il y a les rabatteurs qui, photos à l'appui, vous trouveront « tout » ce que vous désirez (et là Dragon se réveille, pourtant la soirée est encore jeune...).

    Les kathoeys sont vraiment marrantes (je choisis le féminin puisqu'elles se considèrent comme des femmes et non comme des gays), elles ont les mains baladeuses et certaines poussent très loin leurs efforts pour sembler féminines malgré une silhouette digne de Conan, ce qui constitue quand même un sacré désavantage de départ. Difficile de garder son sérieux en face d'une créature d'un mètre quatre-vingt-cinq (talons aiguilles non compris) qui a des bras plus gros que les vôtres, des lèvres de mérou et une improbable couleur blonde – Scarlett Johanson, après un terrible accident.

    Je ne sais pas si c'est l'effet du shutdown, de la crise, de la pollution effroyable qui voile le ciel pourtant sans nuage, mais hier la ville (que je n'ai jamais aimée, mais dont je m'accommodais) m'a semblé encore moins « festive » que dans mes souvenirs, tellement plus glauque, écrasée (Blade Runner, la pluie en moins) ; c'est sans doute un peu la faute de la disparition de mon bar préféré (touristes des deux sexes, billard et bonne musique des années 70). Les rares beergarden où il y a (en plus des billards) des arbres, un peu de verdure, sont remplis de filles tristes qui attendent votre argent en écoutant une techno infecte (n'espérez pas pouvoir tenir une conversation, 1/ elles ne parlent pas plus de trois mots d'anglais, 2/ la musique est trop forte). Il faut sans doute creuser pour retrouver de bons endroits, mais bon là aucune envie d'acheter un lonely planet et de lire la rubrique « où boire un verre ? ».

    Quand j'ai commencé à avoir vraiment trop mal aux pieds (et vu tout ce que je voulais voir et ne pas voir), j'ai atterri au Chequers, près de Nana Plaza, un pub anglais sans hôtesses, avec le wi-fi, mais pas de billard (clientèle âgée en provenance de la proche ambassade du Royaume-Uni ; j'étais le plus jeune) ; la nourriture était chère et vraiment pas terrible (à l'exception des légumes). J'ai (ré-)écrit quelques pages en écoutant David Bowie, le Jefferson Airplane, Blondie. Et la première version de "Tainted Love". Il y a pire comme soirée.

    Bye bye Bangkok (on se retrouvera, mais ce sera après la jungle, une autre jungle.)





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