• Plus je vieillis, plus mon empathie augmente, alors que j'ai toujours pensé que la vie vous poussait dans le sens inverse, qu'on devenait blasé, blindé, caparaçonné (tiens, j'ai toujours bien aimé ce mot pour dyslexiques). On n'a aucune prise sur ces choses, alors pourquoi s'en faire... Non ? Mais rien à faire, Babylone me noue le ventre... C'est peut-être un effet de la paternité...

    « J'ai vu des horreurs » nous murmure le Colonel Kurtz. Que ce soit en amont du fleuve, dans l'école-prison-musée du génocide khmer rouge, aux Killing Fields, il y eut des horreurs (et je m'y suis frotté). Dans Downtown Bangkok, en « zone touristique » donc, il y en a aussi. Beaucoup. C'est une certitude que nous occidentaux avons tendance à oublier. En tout cas, j'avais oublié les détails...

    (Le diable est dans les détails.)

    La nuit à Bangkok est un freakshow (en une seconde vous pouvez passer du rire à la nausée, de l'émerveillement à une profonde inquiétude) : homme amputé des pieds qui, tel un ver, allongé face contre terre avance sur le trottoir en poussant devant lui une gamelle pour chien dans laquelle personne ne met d'argent (ce que je peux comprendre), une femme avec son bébé qui mendie, tu donnes 20 bahts, et cinq mètres plus loin une autre femme avec son bébé mendie, un enfant seul de 4 ou 5 ans qui dort sur une simple feuille de carton (mais putain, comment est-ce possible ?), d'énormes rats dans les tas d'ordure à 100 mètres à peine des luxueux centres commerciaux (aucune poubelle dans les rues de Bangkok), une femme avec ses deux bébés qui mendie, des familles européennes qui baladent leurs gamins sur Sukkhumvith au milieu des vendeurs de sextoys, des kathoeys (transexuelles aux look parfois extravagant), des putes africaines en grand nombre (ça c'est nouveau, organisé, et c'est sans doute assez mauvais signe).

    Forcément je me dis : jamais quand j'ai emmené Judicaël et Akira à Phnom Penh, j'ai fait un truc pareil. L'idée d'expliquer à mon fils de huit ans curieux de tout ce qu'est ce truc oblong et rose, long de 40cm qui très certainement ne permet pas de jouer au baseball, c'est pas vraiment l'idée que je me fais de vacances en famille.

    Nana (BTS) : une naine en porte-jarretelles et bustier vous invite à boire un verre dans son bar à hôtesses (désert, mais techno à donf'). Il ne manque qu'un singe jouant de l'orgue de barbarie, ou presque. Et évidemment la litanie à destination du marcheur solitaire : « massage ! », « boom boom », « I love you », « I will take care of you » « me love you long time ». Et il y a les rabatteurs qui, photos à l'appui, vous trouveront « tout » ce que vous désirez (et là Dragon se réveille, pourtant la soirée est encore jeune...).

    Les kathoeys sont vraiment marrantes (je choisis le féminin puisqu'elles se considèrent comme des femmes et non comme des gays), elles ont les mains baladeuses et certaines poussent très loin leurs efforts pour sembler féminines malgré une silhouette digne de Conan, ce qui constitue quand même un sacré désavantage de départ. Difficile de garder son sérieux en face d'une créature d'un mètre quatre-vingt-cinq (talons aiguilles non compris) qui a des bras plus gros que les vôtres, des lèvres de mérou et une improbable couleur blonde – Scarlett Johanson, après un terrible accident.

    Je ne sais pas si c'est l'effet du shutdown, de la crise, de la pollution effroyable qui voile le ciel pourtant sans nuage, mais hier la ville (que je n'ai jamais aimée, mais dont je m'accommodais) m'a semblé encore moins « festive » que dans mes souvenirs, tellement plus glauque, écrasée (Blade Runner, la pluie en moins) ; c'est sans doute un peu la faute de la disparition de mon bar préféré (touristes des deux sexes, billard et bonne musique des années 70). Les rares beergarden où il y a (en plus des billards) des arbres, un peu de verdure, sont remplis de filles tristes qui attendent votre argent en écoutant une techno infecte (n'espérez pas pouvoir tenir une conversation, 1/ elles ne parlent pas plus de trois mots d'anglais, 2/ la musique est trop forte). Il faut sans doute creuser pour retrouver de bons endroits, mais bon là aucune envie d'acheter un lonely planet et de lire la rubrique « où boire un verre ? ».

    Quand j'ai commencé à avoir vraiment trop mal aux pieds (et vu tout ce que je voulais voir et ne pas voir), j'ai atterri au Chequers, près de Nana Plaza, un pub anglais sans hôtesses, avec le wi-fi, mais pas de billard (clientèle âgée en provenance de la proche ambassade du Royaume-Uni ; j'étais le plus jeune) ; la nourriture était chère et vraiment pas terrible (à l'exception des légumes). J'ai (ré-)écrit quelques pages en écoutant David Bowie, le Jefferson Airplane, Blondie. Et la première version de "Tainted Love". Il y a pire comme soirée.

    Bye bye Bangkok (on se retrouvera, mais ce sera après la jungle, une autre jungle.)


  • On peut sans doute s'inquiéter du Shutdown, mais il a un avantage notable, en occupant les principaux carrefours de la ville, coupés à toute circulation, les anti-corruption ont prêté (le temps que ça durera) Bangkok aux piétons.

    Aujourd'hui, longue ballade à Silom où je n'ai trouvé aucun polar thaïlandais sous-titré en français (une des vendeuses a été mimi : elle m'a écrit quelques titres et l'adresse de Thepiratebay pour les downloader ; ça, c'est toute la Thaïlande : serviabilité extrême et absolument aucune notion de copyright. Elle a aussi essayé de me vendre Bangkok Dangerous avec Nicolas Cage...).

    Marche de Silom à Chinatown : ça fait les mollets.

    Repérages - Silom

    (Une des nombreuses tours en construction - beaucoup sont abandonnées avant d'avoir été achevées)

    Repérages - Silom

    (ce n'est pas le Japon, mais ça y ressemble parfois)

    Repérages - Silom

    (Un pêcheur dans la ville du péché.)

    Repérages - Silom

    (La partie de gauche qui semble effondrée est en fait une salle de bain et toilettes "typique")

    En chemin, j'ai commencé mes repérages, Patpong, ruelles glauques alentour (évidemment le matin tout est fermé, y'a pas un chat – vous pouvez féminiser l'expression, si ça vous amuse), (plus loin vers Chinatown:) quartier des joailliers avec ses petites ruelles où on trouve encore des maisons en bois (exactement ce que je cherchais pour le premier coup d'éclat de Dragon), hôtel Pullman et son improbable silhouette crantée.

    Déjeuner à Chinatown dans un restaurant pour locaux : salade d'huîtres (très épicé, à déconseiller aux âmes sensibles). J'étais sous un tableau représentant Les sept mercenaires (un machin « magnifique » impossible à prendre en photo car éclairé par un spot).

    Repérages - Silom

    Après ma marche, retour par Siam (l'hôtel où j'ai mes habitudes, le Reno hotel, est en plein Shutdown, il est quasiment impossible d'y accéder, toutes les passerelles du BTS côté MBK sont condamnées) et massage (oui oui, je sais, mais non, juste un bon massage après une longue marche et le voyage en avion).

    Les gens ont beau manifester via des sitting et des marchés improvisés (fallait y penser !) et des bars improvisés (squattés par les touristes) et des concerts, on sent quand même que c'est « tendu » : aucun flic aucun soldat dans les zones du shutdown qui ont leur propre service d'ordre, portiques et fouille à l'entrée des restaurants, magasins et métros (on se croirait à Downtown Nairobi).

    Le mot de la fin (de journée) :

    Repérages - Silom

     


  • Shutdown

    Sitting à Siam Square

    Shutdown

    Banderolle à Siam "Yingluck get out"

    Shutdown

    Brochettes de calamar pour les manifestants

    Shutdown 

    Siam Square, en face du Starbucks.

    Shutdown

    Petit foot massage pour les manifestants. 

    Shutdown

    Mademoiselle est connaisseuse...


  • Lever à 8h00 heure locale (2 heure du matin en France) – aucun jetlag.

    Retour en Thaïlande pour la première fois depuis juin 2005. Une Thaïlande en état d'urgence (énorme sitting à Sukkhumvit alors que je sors du métro, le leader de la contestation donne un grand discours retransmis sur des écrans géants, les gens sont calmes, applaudissent et ont dressé des tentes tout le long de la grande artère commerciale). Comme d'habitude en Thaïlande il y a de la bouffe à vendre partout.

    De tous les pays étrangers où je suis allé, la Thaïlande est sans aucune doute un de ceux que j'ai le plus visité – onze séjours depuis 2001 (si je me fie aux visas dans mes deux derniers passeports).

    Ce qui me frappe le plus, c'est le sentiment de retourner chez soi, alors que justement je suis tellement loin de chez moi (15h25 de vol en comptant l'escale à Dubaï). Ce sentiment que je peux me promener dans la ville, prendre le métro ou le bus sans avoir besoin d'un guide touristique. Les formules de politesse qui reviennent. En huit ans, les prix ont à peine bougé, un hôtel à 900-1000 bahts (25 euros environ) en coûte 1100. C'est très cher pour la Thaïlande, mais c'est l'effet « capitale ». Dès qu'on s'éloigne de Bangkok, les prix baissent.

    Je n'ai pas relu « Dragon » depuis un bonne dizaine de jours, trop occupé par les préparatifs de mon voyage (enfin tout les trucs à faire avant de « pouvoir partir »), et j'ai changé mes plans, je voulais d'abord faire mes repérages au nord-ouest du pays et finir par Bangkok, mais la ville semble calme, je vais en profiter alors que les élections du 2 février approchent, là ça risque de chauffer nettement plus. Aujourd'hui, je sais où je dois aller : le quartier du Parc Lumphini pour y repérer le grand hôtel international où aura lieu la rencontre entre Tann, le général Prachya Wongkrachang et Sawinee Kaewphet (en même temps le Marriott de Sukkhumvit serait pas mal). Même quartier, pour décrire les lieux du premier  « massacre », en marge du célèbre quartier chaud de Patpong. Et enfin Nana Plaza, sans doute ce soir, où travaille le lieutenant Tannhaüser « Tann » Ruedpokanon.

    Je vais aussi essayer de passer au grand centre commercial de Silom spécialisé en électronique pour acheter quelques DVD de polar thaïlandais sous-titrés en anglais.

    Pas sûr de réussir à faire tout ça dans la journée, surtout si je veux écrire.

    Thomas Day


  • Petit-déjeuner dans le Pub Jack Daniel's de l'aéroport de Dubai.

    Huevos rancheros et jus d'orange commandés dans une monnaie dont j'ignore totalement le taux de change.

    Il est 7h30 du matin heure locale et les touristes boivent de la bière.

    Une heure d'attente avant l'embarquement.

    (Les oeufs sont copieux et délicieux, avec la country en fond sonore, il me suffit de fermer les yeux pour me croire à El Paso.)

     

    Thomas Day